La vigne demande au vigneron un travail qui s'étend sur l'année entière.
Labourer, déchausser (ou débuter) , fumer, puis tailler, traiter et attendre le bon vouloir de la pluie et du soleil avant de vendanger et enfin "faire" du vin...
Voilà le dur labeur de la vigne, ses joies, ses peines... et sa récompense : le vin !
Dès la fin de l'automne et en hiver : arracher les ceps trop vieux, épierrer pour dégager les pieds des ceps, défoncer le sol et creuser pour la plantation de nouvelles vignes, à l'aide du
"bigot" ou à la "décavillonneuse" (déchausseuse) ou à la "charrue vigneronne".
Puis il faut buter pour protéger du gel les pieds des vignes en les recouvrant de la terre prise entre leurs rangées. Dans les vignobles à forte pente, on doit remonter la terre que les eaux de
pluie ont fait descendre afin de recouvrir les pieds des ceps déchaussés.
travail de la vigne : à gauche vigneron et son "rabassier" en train de déchausser ("descaucélar")
Dès que le printemps arrive il faut labourer pour aérer, nettoyer le sol et éventuellement le fertiliser. Biner ou griffer pour l'entretien du sol en éliminant les mauvaises herbes.
Et l'été il faut encore biner pour nettoyer le sol.
Après les vendanges, à la fin de l'automne et hiver :
Arracher et stocker les vieux échalas (piquets de bois) et en fabriquer des nouveaux.
Parfois le vigneron utilise un sabot "plante-échalas".
Celui-ci est généralement en bois de frêne, il est placé sous l'aisselle du vigneron et harnaché autour de son torse ; le piquet logé par son extrémité dans le sabot est enfoncé en
appuyant.
Début de la taille (fin Décembre -Janvier).
Début du printemps : marcotter, greffer et finir de tailler (Mars) puis lier les sarments taillés aux échalas ou aux fils de fer.
Différentes sortes de tailles :
Serpettes à tailler.
A gauche serpe à talon ou à "huppe" (la "poudo" qui a donné le verbe "espoudasser" : pré-tailler)
à droite serpette classique
(sources : anciens outils)
Les ciseaux et sécateurs à tailler ont fini par remplacer l'antique serpe. Mais avant d'en arriver au véritable sécateur, les vignerons du Midi ont utilisé pendant plusieurs décennies,le sécateur sans ressort, dit "à deux mains" : un outil de grandes dimensions exigeant un effort considérable des deux mains.
A gauche : sécateur à deux mains pour la taille de la vigne (Sources : Anciens outils)
A droite anciens "ciseaux à tailler"
Au printemps : il faut planter des nouveaux ceps greffés et des échalas.
Ebourgeonner pincer et effeuiller.
Traiter des vignes avant la floraison.
Eté : Effeuiller pour une meilleure exposition au soleil. Eclaircir pour enlever les grappes en excès. Rogner des sarments pour accroître la vigueur du plant. Relèver des
sarments trop longs qui tombent à terre. Poursuivre les traitements jusqu'en Août.
Au 19ème siècle, les vignes françaises ont été attaquées par des maladies cryptogamiques : oïdium (vers 1850) et mildiou (vers 1880) avant d'être quasiment anéanties par le phylloxera (vers 1860), tous ces maux ayant été importés ... d'Amérique.
L'oïdium est traité avec du soufre. L'oïdium produit des tâches diffuses de poussière d'un blanc-grisâtre sur les feuilles et les rameaux.
Le mildiou est traité avec du sulfate de cuivre (bouillie bordelaise) et répandu au pulvérisateur à dos (ou monté sur roue)
A gauche feuilles attaquées par l'oïdium, à droite le mildiou
Pour traiter les vignes avec du souffre on utilisait différents outils :
Il existait aussi le modèle à utiliser avec du souffre mouillable : la soufflette était munie d'un réservoir pour
le souffre mouillable mélangé à de l'eau.
Pour le mildiou, trois traitements au moins à la bouillie bordelaise sont nécessaires : le premier lorsque les pousses ont atteint 10 à 15 cm, le second aussitôt après la
floraison, et le troisième au commencement de la véraison.
On peut aussi sulfater une quatrième fois au mois d'août, ce qui permet de conserver les feuilles jusqu'au bout pour favoriser un bon mûrissement. Si la saison est humide, il faut sulfater
presque chaque semaine, et l'on peut arriver au total de sept ou huit sulfatages dans l'année.
Chaque viticulteur se faisait une fierté de préparer une bouillie d'un beau bleu intense, les teintes vert-de-gris étant jugées comme une preuve de maladresse ; le sulfate de cuivre en cristaux
donnait paraît-il un plus joli bleu que le "cuivre-neige".
Certains utilisaient parfois d'autres préparations, telle la poudre Chefdebien élaborée à Prades, mélange de stéarite et de cuivre répandu à l'aide d'une torpille.
Mais les qualités de ce produit étaient discutables, certains allant même jusqu'à dire qu'il favorisait la propagation du mildiou au lieu de le combattre : la vérité, c'est que les viticulteurs
n'avaient confiance qu'en leur propre bouillie et aux petits secrets de fabrication qu'ils étaient fiers d'avoir découverts.
Le sulfatage permettait de lutter contre d'autres maladies du vignoble, elles aussi d'origine américaine : le black-rot, constaté pour la première fois en France en 1885, ainsi que le rot blanc. Soufre ou sels de cuivre sont également nécessaires pour combattre le pourridié et la pourriture grise (due au Botrytis cinerea).
S'il faut préserver la vigne de tous ces champignons, il faut aussi la protéger des insectes : l'altise ou puce de la vigne, les charançons, la pyrale et la cochylis, ainsi que le vespère de Xatard...
Sources (La vigne et ses problèmes)
Pour l'éradication du phylloxéra, la seule méthode efficace fut le greffage de cépages français sur des porte-greffes américains résistants.
Mais auparavant différentes méthodes ont été testées, dont la désinfection des vignes malades à l'aide de grosses seringues appelées "pal injecteurs"
A gauche les coupeuses : c'était en général le rôle des femmes.
A droite : sécateurs à vendanger : à ressort et sécateurs à roulette - (sources : Anciens outils)
La serpette à vendanger (on peut s'en servir également pour greffer) est différente de la serpe à tailler. Plus tard l'on s'est servi d'un sécateur plus petit que celui pour
tailler .
Le vigneron a toujours dans sa poche le canif à lame courbe qui lui sert à la fois pour greffer... ou pour se couper un bout de pain, de se jambon ou de fromage !...
On déposait ensuite le raisin coupé, en Languedoc,dans le seau (bois, plus tard zinc et plastique) au pied de la souche.
A gauche, ancien seau en bois.
Au centre seau en plastique qui attend son videur !
A droite coupeuses en Languedoc munies de leur serpette (la coupeuse debout) et du seau en bois.
Dans le Lot, le seau est remplacé par un panier tout simple en bois et osier (pour l'anse) appelé aussi "baquet charentais". Il sera remplacé par le panier en plastique.
Il fallait suivre le rythme imposé par la "meneuse" (chef de colle qui entraîne les coupeuses vers le bout de la rangée.)
La colle : groupe de vendangeurs ("normalement" : 8 coupeuses, 1 videur de seaux 2 porteurs de comportes, 1 presseur de raisin dans la comporte)
Le porteur, un homme, venait changer les seaux lorsque ceux-ci étaient pleins et jetait les grappes dans les comportes.
Dans le Midi, les comportes étaient en bois, (avant d'être en plastique) assez basses et larges.
Masse et comporte languedocienne, et le presseur ("Lou quichaïré") en pleine action avec la masse (années 50)
La comporte ("lou semal" ou "semau" ou "la sauma" en occitan) était le récipient en bois cerclé de fer et munie de poignées appelées "cornaillières".
Une comporte contenait 80 kg de raisin environ.
Lou semal (ou la sauma) signifie initialement "charge" en occitan d'où le nom français "somme" que l'on trouve dans "bête de somme"
Il est "déglingué" (disjoint) comme une vieille comporte
Dans le Lot les comportes étaient plutôt hautes et étroites.
Les porteurs étaient deux et transportaient les comportes pleines à l'aide des pals ("semaliés")
Le pal ("lou semalié" en occitan) : longue barre de bois arrondie permettant à
2 hommes de porter lou semal (la comporte)
Quand un vendangeur avait oublié de couper une une grappe, on avait pour coutume de lui barbouiller le visage avec : cela s'appelait : la "Capounade" !
Le "ramonet" : en Languedoc, le "ramonet" était soit le métayer soit un ouvrier agricole qui a la charge de l'entretien et de la nourriture du cheval et qui le conduit lors des travaux agricoles.
Le raisin est rentré.... Commence alors le travail de sa transformation.
Le principe et les différents vins obtenus :
Le vin est le résultat de la fermentation du raisin frais entier (avec ou sans rafle -partie ligneuse de la grappe) ou du seul jus de raisin frais. La fermentation est en deux temps : fermentation alcoolique et fermentation malolactique.
Pour le vin rouge, on foule le raisin puis on le laisse macérer et fermenter plus ou moins longtemps avec le moût (la pulpe et la peau) avant de presser.
Pour le vin blanc, on presse rapidement le raisin pour en extraire le jus que l'on va mettre à fermenter sans macération préalable.
Les vins rosés sont assimilables par leurs techniques d'élaboration aux vins blancs, excepté pour la technique dite "par saignée" où, suivant la durée d'encuvage et la
température, une légère macération peut se produire.
Toute la couleur d'un vin se trouve dans la peau : pour obtenir du vin rouge, il faut donc mettre les peaux avec le jus dans la cuve de fermentation.
(sources "Maison Désiré")
Puisqu'on "quichait" les grappes dans la comporte la macération commençait déjà dans la vigne. On passait ensuite ce premier "moût" au fouloir.
Foulage dans la Rome antique, au 19e et 20e siècle : la méthode reste identique
Mais dans la plupart des cas, on foulait le raisin au fouloir mécanique. Il en existait deux sortes : le portable et celui monté sur roues plus imposant.
Pour le vin rouge, on laisse macérer le moût dans une cuve. Ainsi les pigments et les arômes contenus dans la pellicule du raisin se mélangent au reste.
La fermentation alcoolique démarre et dure 4 à 10 jours au cours desquels on contrôle avec soin la température et la densité de chaque cuve.
Les parties solides du raisin - peaux, rafles et pépins - remontent à la surface du vin pour former le "chapeau" de marc.
On presse ensuite l'ensemble (le jus et le moût) pour séparer la partie solide, le marc, (peau, pépin) du jus fermenté.
Puis on laisse "vieillir"dans un foudre ou en futaille, avant de mettre en bouteille.
Foudres et futailles
La plupart des tonneaux étaient alors confectionnés à Douelle (le mot douelle désignant les "planchettes" qui constituent le tonneau lui-même)
Ce sont les meilleurs chênes, ceux qui ont un fil droit, sans nœuds apparents ou cachés, qui sont destinés en priorité à la fabrication des bois tranchés et des merrains. Qui dit merrain dit
douelle, et douelle, tonneau.
L'assemblage des douelles du tonneau se fait peu à peu.
La chaufferette intérieure aide à cintrer la forme. Le tonnelier ajuste le temps de chauffe suivant la demande des viticulteurs
1950 : le vin coule dans la sapine ©Soulier Pierre (Ministère de la Culture -
documentation) Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée
Et surtout.... n'oubliez pas....
Et comme l'a écrit Pasteur...(autres temps autres mœurs)
"Le vin est la plus saine et la plus hygiénique des boissons"
Il faut dire qu'alors, l'eau n'était pas toujours potable, les puits et les citernes d'eau de pluie étaient (surtout en été) remplis de germes et bactéries diverses et l'on ne pouvait boire sans crainte que la soupe ou le café où l'eau avait bouilli... Et du vin !
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Klaus Freckmann (samedi, 11 février 2017 17:18)
Mesdames et Messieurs,
je cherche des recits sur le travail des encaveurs. Y-a-t-il de la littérature?
Je vous remercie de votre information en avant.
Cordialement
K. Freckmann à Berlin
Balade à Floressas (dimanche, 12 février 2017 14:21)
@Klaus Freckmann
Merci pour l'attention que vous portez à mon site Balade à Floressas..
Les termes "encaveur" et "encavage" sont utilisés me semble-t-il en Suisse Romande.
Vous trouverez le récit de la mise en cave (cellier) et en chai, notamment sur le site du Château de Chambert (Floressas) --> http://www.chambert.com/fr/estate/cellar.html.
Je n'ai pas de récit de ce travail à l'ancienne : tout ce que j'en sais c'est que c'était fort pénible (et pas toujours réussi !) l'ayant moi-même pratiqué dans l'Hérault (Occitanie) au début des années 1970 avec de vieux vignerons...
Cordialement et bonne recherche !
Anne-Marie FABRE-UYTTENBROECK