Le Vignoble : histoire du vin de Cahors
La vigne en Quercy est une longue histoire.
La vigne fut introduite en Provence et Languedoc dès l'an 600 avant notre ère par les Phocéens (Marseille).
De là elle se propagea le long de la vallée du Rhône et vers le Massif Central, le Quercy et l'Aquitaine. Le peuple gaulois s'éprit rapidement de cette boisson...
Les Origines
Dès la conquête de la Gaule achevée (51 avant J-C), les romains trouvèrent donc déjà un vignoble bien établi et l'intensifièrent tout en lui apportant leur savoir-faire acquis auprès des Grecs et des Étrusques qu'ils avaient déjà colonisés. Le commerce entre Rome et la Gaule romanisée s'intensifia : Bacchus était amplement "célébré" par les Gallo-Romains.... qui se mirent à produire un vin de qualité et en grande quantité, inversant ainsi la situation : d'importateurs ils devinrent exportateurs.
A LIRE + de détails sur les amphores, dolia et tonneaux > Voir ci-après :
Document 1 : AMPHORES & DOLIA
Document 2 : TONNEAUX & OUTRES
En 92, toutefois, l'empereur Domitien fit arracher la moitié du vignoble gaulois par mesure de protectionnisme pour le vin italien et fit planter du blé dont Rome avait grand besoin. Cependant cette interdiction ne fut guère suivie d'effet.... et en 276, l'empereur Probus réintroduisit la culture de la vigne en Gaule.
C'est d'ailleurs de ces temps reculés que pourrait provenir l'origine du nom de la commune de Floressas : nous sommes alors, dans une ère riche et prospère, la "pax romana" (la paix romaine).
Cette période assure le développement des échanges commerciaux et de l'agriculture, ainsi que la construction de nombreuses villas romaines.
Le mot "Florensa" aurait pu désigner alors la "villa de Florentius" autrement dit le domaine appartenant à Florentius (prénom latin). Plus tard, en langue romane, Florensa aurait pris la terminaison usuelle en "ac" (ou "as").
Néanmoins, nulle trace n'a été trouvée de ce Florentius, ni de cette possible, mais très hypothétique villa romaine à Floressas. (A moins qu'elle n'ait existé à l'emplacement actuel du château ?)
Une autre hypothèse pourrait être plus directement liée à la vigne.
En effet, Pline l'Ancien, naturaliste et écrivain latin (23 après JC – 79 après JC) désignait sous le nom de "florentia" une espèce de vigne (Naturalis Historia – Livre 14 paragraphe 36).
Floressas pourrait alors devoir son nom à un vignoble déjà existant aux premiers siècles de notre histoire.
A LIRE : document 3 "le Nectar des Dieux" (ci-après)
Mais la paix romaine ne dura qu'un temps.
Vinrent ensuite les Grandes Invasions Barbares.
Finalement, un jeune chef Franc, vainqueur des Wisigoths fut désigné comme roi de ce qui deviendra la France en 481.
Lui succéda la dynastie des Mérovingiens, jusqu'à Pépin le Bref et Charlemagne.
A cette même époque commencent les "Invasions Normandes" : les Vikings, grands navigateurs (ils auraient vraisemblablement atteint les côtes de l'Amérique où ils ne purent néanmoins se maintenir semble-t-il) terribles guerriers, mais également habiles marchands et surtout, grands amateurs et consommateurs de vin !
Après la mort de Charlemagne, une longue et sombre période s'installe sur tout le Saint Empire Romain Germanique.
L'insécurité est extrême.
Il faut se protéger.
Les rois perdent leur pouvoir, se querellent entre eux. Ils prennent donc pour habitude de récompenser ceux qui les aident en leur donnant des terres : des "fiefs".
Ces seigneurs, à leur tour, donnent une partie de leur fief à leur "vassaux" qui s'engagent par un "hommage" à les servir.
Ainsi tout le royaume se morcelle, et une nouvelle société voit le jour : la société féodale.
La Société Féodale
Toutefois, le mariage d'Aliénor d'Aquitaine avec Henri II, en 1152, donne alors une formidable impulsion au vignoble de Cahors.
Très apprécié des Anglais, "The Black Wine of Cahors" connaît un essor considérable.
Henri III d’Angleterre enjoint en 1225 aux jurats de Bordeaux "de ne point arrêter, ni imposer d’aucune manière, les vins que les marchands de Cahors, qu’il a pris sous sa protection, font descendre vers la Gironde"
(Sources : "Patent Rolls of the reign of Henri III". A.D. 1216-1225, p.528).
A partir du 12ème siècle et jusqu'au début du 14ème , la population augmente et les campagnes vont renaître, petit à petit.
On retrouve la présence de la vigne à Floressas au XIIe siècle (on retrouve un écrit en ce sens - Chambert - aux archives départementales du Lot à Cahors)
C'est à cette époque, au 14ème siècle, que le château de Floressas sera bâti par Pons de Beynac (branche cadette des Beynac en Dordogne)
La batellerie sur le Lot est améliorée et assure le transport du froment et du vin jusqu'à Bordeaux où ces denrées sont commercialisées.
L'apogée de ce commerce se situe dans les années 1308-1309 : il atteint les 850 000 hectolitres !
Histoire - Document 4 : "le vin, stockage et transport"
Dès 1325, le Pape Jean XXII, né à Cahors, en fait son vin de table et de messe en Avignon.
Mais cette prospérité, encore une fois ne dure pas.
A partir de 1337, la France et l'Angleterre entrent en guerre.
Ce sera la Guerre de Cent Ans.
La France est pillée, par les "routiers" et les Grandes Compagnies, composées d'Anglais, mais aussi de Français et de mercenaires de toutes nationalités…
Les seigneurs se battent entre eux, ce qui engendre rapidement des guerres civiles.
De nombreuses périodes de famine se succèdent et l'arrivée de la Peste vient compléter le désastre.
La France est détruite.
Il n'y a plus qu'à reconstruire...
Entrée à la Cour
La renaissance des mas quercynois favorise l'extension de la vigne vers les versants pierreux et les hauts coteaux calcaires, jusqu'au cœur du Causse.
A la fin du 15ème siècle, le vignoble est reconstruit.
En 1531, le vin de Cahors fait son entrée à la cour : François 1er, qui en avait entendu chanter les louanges par le poète né à Cahors, Clément MAROT (1495 – 1544), fait planter une vigne de "Cahors" à Fontainebleau.
Changeons propos, c'est trop chanté d'Amours
Ce sont clamours, chantons de la serpette :
Tous vignerons ont à elle recours,
C'est leur secours pour tailler la Vignette.
0 Serpillette, 0 la Serpillonnette,
La vignolette est par toy mise sus,
Dont les bons vins tous les ans sont issus.
Le Dieu Vulcain, forgeron des haults Dieux,
Forgea aux Cieux la Serpe bien taillante,
De fin acier trempé en bon vin vieux,
Pour tailler mieux, et être plus vaillante ;
Bacchus la vante, et dit qu'elle est séante,
Et convenante à Noé le bon hom,
Pour en tailler la Vigne en la saison.
Bacchus alors Chappeau de treille avoit,
Et arrivait pour benistre la Vigne ;
Avec Flacons Silènes le suivoit,
Lequel buvoit aussi droit qu'une ligne.
Puis il trépigne, et se fait une bigne.
Comme une guigne estoit rouge son nez.
Beaucoup de gens de sa race sont nez.
CLément Marot. Chanson XXXII
Après avoir pris la ville de Cahors, Henri de Navarre, qui n'était pas encore Henri IV, fut également conquis par ce vin.
La vigne en Quercy est en pleine expansion dans la seconde moitié du 18ème siècle, grâce à d'importantes améliorations de la navigation sur le Lot (biefs, écluses, chemins de halages, "cales"..).
Bordeaux, craignant à juste titre pour son négoce, multiplie alors les obstacles pour entraver son concurrent voisin quercinois…
Mais rien n'empêche la notoriété du vin de Cahors de franchir les frontières.
On le retrouve alors en Angleterre, en Allemagne, en Hollande, dans les lointaines colonies des Amériques et même en Russie.
L'Eglise Orthodoxe Russe l'adopte comme vin de messe et le Tsar Pierre le Grand soignait son ulcère à l'estomac... au vin de Cahors…!
Le Quercy produit alors 3 qualités de vins.
Le "vin noir" employé ordinairement pour les coupages et exporté vers Bordeaux, le "vin rouge", destiné aux bonnes tables, et aux auberges, et enfin un vin rosé ou clairet plus ou moins agréable qui forme la boisson habituelle des habitants.
Tout va pour le mieux…
C'est alors que se produit la catastrophe !
Le Phylloxéra
En 1877, les premières atteintes du phylloxera sont signalées en Quercy !
L'insecte responsable de cette maladie est un puceron parasite, le "phylloxera vastatrix" qui attaque les racines : la vigne dépérit et finit par mourir. (voir document à télécharger ci-après)
Des quelques 40 000 hectares qu'occupait le vignoble, il ne resta pratiquement rien.
C'est le plus grand fléau qu'une production agricole ait jamais connu.
Les viticulteurs ruinés abandonnent leur terre et leur village. Les indigents se multiplient. Certains partent en Amérique du Sud…
Henri Nadal écrivait dans le "Courrier du Lot" de janvier 1885 : "le peuple a été cruellement atteint par la perte de ses vignes, et la République n'a rien fait pour l'aider à les reconstituer."
Comme toutes les autres communes, Floressas est sévèrement touchée.
Entre 1880 et 1890, les matrices cadastrales attestent de cette catastrophe : de nombreuses vignes sont portées en friche et des dizaines de maisons, en démolition.
L'ESTIU III
Sus la campagno ensoulelhado,
Dins las bignos escampilhats,
Grands, pichous, touts mal ourdilhats
Ban culi la grano sucrado,
Coupant, picant à la boulado,
Mas e figuro embarboulhats
D'aqués poulits rasins cambiats
En licou... trop lèu batejado !
Paure bi qu'escaudures tant
Ma carcasse, res qu'en pensant
A tu, m'en prusis la luseto !
Filotsera, très cops maudit
Siosques tu d'aquel qu'as réduit
A heure sounco de piqueto !
PAUL FROMENT. POESIES COMPLETES.
SASOUS E MESADOS.
L'ETE III
Sur la campagne ensoleillée,
Dans les vignes éparpillées,
Grands, petits, tous mal accoutrés,
Ils vont cueillir les grappes sucrées
Coupant, becquetant à la volée,
Mains et figure barbouillées
De ces beaux raisins changés
En liqueur... trop vite baptisée !
Pauvre vin qui réchauffe tant
Ma carcasse, rien qu'à penser
A toi, me démange la luette !
Phylloxéra, trois fois maudit
Sois-tu de celui que tu as réduit
A ne boire que de la piquette !
Traduction de Monsieur L'ABBE TOULZE
La Renaissance
Après avoir essayé de replanter leur vigne en faisant appel à des plants hybrides américains, qui ne donnèrent qu'un vin de qualité médiocre, les viticulteurs finirent par adopter la solution du greffage.
Mais nombre d'hectares furent laissés à l'abandon, faute de moyens et surtout faute de main d'œuvre.
Et la guerre de 1914-18 acheva de décimer la population.
Après cette descente aux enfers, il a fallu attendre la rénovation du cépage Auxerrois, par le biais de multiples expériences de greffage, tout au long des années 1960-70, pour que renaisse enfin le vignoble de Cahors.
En 1971, le vin de Cahors classé V.D.Q.S. depuis 1951, devient finalement A.O.C.
Documents à télécharger
Sources
"Le Vin de Cahors" José BAUDEL
"Vigne et Vin" Culte et Culture – supplément à "Quercy actualité" n°7 juillet 1981
Jean Lartigaut – Président de la Société des Etudes du Lot
Lot en Quercy, tourisme dans le département du Lot
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