Paul Froment : quelques écrits (en prose et en vers)


Les poèmes retranscrits ici sont en ce "patois" tel que le parlait, le comprenait et l'écrivait Paul Froment.

(sous la tutelle de F. Maratuech Paul Delsériés)

C'est dans ce patois retranscrit phonétiquement que ces textes ont été publiés,

et ce jusqu'en 1932 (poésies) et 1934 (écrits en prose).

 C'est donc par choix personnel, et parce que je n'ai pas non plus appris la "Langue d'Oc" à l'université mais dans le parler de mon "papé" et de ma "mamé", que ces textes ne sont pas reproduits dans la graphie occitane normalisée telle qu'enseignée dans les écoles et l'université. (NDLR)


ALS CURIOS (Aux curieux)

Voici comment Paul Froment se présenta dans une lettre adressée à Frédéric Mistral et que ce dernier reproduisit dans la Revue l'Aïoli le 17 janvier 1896     

 (cliquer sur l'image pour l'agrandir)

"C'est d'en haut, bien loin, entre le Quercy et l'agenais, que je vous envoie ce petit livre "A travers les sillons".

Bien sûr, je suis pour vous un inconnu, "peuchère" ! Le soleil, le grand soleil merveilleux et flamboyant, n'a jamais regardé un vers luisant caché dans l'herbe !

Tant pis. Puisqu'il n'y a personne pour me présenter, mieux vaut que je me fasse connaître tout seul à travers ce sonnet qui sert de préface à mon livre et que je vous laisse dans notre parler d'ici :

 

 

Si quelqu'un demande qui je suis,

De quel droit ma plume rimaille,

Vous saurez que c'est Dieu qui m'a fait,

Mais qu'il ne m'a donné sou ni maille.

 

Et, petit valet qui travaille,

Depuis l'aube jusqu'à la nuit,

Si je n'ai pas de foin, je mange de la paille,

Mais je me contente de ce que j'ai.

 

Sur le chemin du berceau à la tombe,

Il y aura vingt ans bientôt que de colline en combe

Avec les sabots je marche en haillons,

 

D'argent j'en ai peu, et d'esprit, guère, 

Et je mourrai comme mon père,

Paysan de la tête jusqu'aux talons.

 

Paul Froment

Voici ce que j'ai, d'où je sors, ce que je suis et ce que je fais.Ma vie, mon passé et mon avenir. A douze ans je quittais l'école et à quinze je m'en fus valet de ferme.

En lisant "lo Calel" notre journal de Villeneuve, il y a trois ans, il me vint l'idée de faire des rimes, comme s'il n'y en avait déjà pas assez de celles-là ! et je me mis à rimer et je rime chaque fois que j'ai l'esprit en repos et le cœur léger, et tout ça m'aide à traîner ma misère.

Petit à petit comme un apprentis qui travaille sans maître, sans avoir étudié, sans personne pour me guider, sans un livre pour m'enseigner, j'ai aligné des mots et des mots, brins par brins à petits pas...

L'an passé à Toulouse ils m'ont donné une médaille d'argent, et maintenant, à mes frais encore, j'ai publié ce bouquin...

Avec ça, ils verront...

Le malheur c'est de ne pas avoir seulement  de quoi acheter le moindre livre, et d'être savoir rien de rien. En dehors du Calel, j'ai lu quelques numéros de l'Aïoli par hasard avec un volume de la Nouvelle Bibliothèque populaire sur les Félibres provençaux et "Le Terradou" de P. Estièu qu'ils me donnèrent l'an passé.

Pour avoir des livres il faut des sous, et des sous il n'y en a pas dans ma poche ! Ah si j'avais de ce fichu argent comme j'achèterai vite "Mireille", "Nerto", "Calendau" "Lis Isclo d'or" et les œuvres de notre Janssemin (Jasmin) (duquel je n'ai pas lu une seule ligne !) et Roumanilho et Aubanéu et Roumieux et Félix Gras et tant d'autres... Mais n'en parlons plus.

"Si je n'ai pas de foin je mange de la paille

Mais je me contente de ce que j'ai"

Vous me lirez si cela vous plaît et voilà.

Mais si vous pouviez me répondre, je vous prie, pour me dire deux mot, je voudrais que vous me donniez l'adresse d'un groupe de félibres que je ne connais que de nom : Félix Gras, Marius André, Marguerite Sol, Filadelfo, Achille Mir, Pierre Mazière, L'abbé Besson, Baptiste Bonnet, Don Savié de Fourvière etc...

Et je ne vous ennuierez plus.

Mais je vous crois suffisamment bon "enfant", ô mon cher maître, pour que vous ne puissiez pas me refuser ceci, bien que l'oeuvre et l'ouvrier ne valent pas grand chose et, en vous serrant la main, j'espère....

Votre petit dévoué

Paul Froment

Floressas, par Puy-l'Evêque (Lot

Et la réponse de Mistral


Lo Ressegaire

Es amont, pincat dins l'aire.

Sus son chavalet tot dreit,

Fague calor, fague fret,

I es totjorn, lo ressegaire.

 

De sa femna, de son paire,

De son dròlle pichienet,

Cal que ganhe lo panet.

A ! cal far mai que se jaire !

 

Agusa quand pica gaire

Sa ressèga, beu s'a set,

S'a talent, minja'n crostet.

 

Guèita se tot vai d'escaire

E pincat amont, tot dreit,

Ressèga sul chevalet.

 

Massels 1892 - Lou Cale 15 mars 1892

Le Scieur (de long)

 

Il est là-haut, perché en l'air

Sur son chevalet, tout droit

Qu'il fasse chaud, qu'il fasse froid,

Il y est toujours le scieur (de long)

 

De sa femme, de son père

De son petit enfant,

Il faut qu'il gagne le pain.

Ah ! il a autre chose à faire que de s'allonger

 

Il aiguise quand elle ne taille pas assez

Sa scie, alors il s'assied,

S'il faim, il mange un croûton.

 

Il surveille que tout aille droit

Et perché là-haut, tout droit,

Il scie sur son chevalet

 

Traduction approximative proposé par AM Fabre- Uyttenbroeck


Un scieur de long
Un scieur de long

La Cansou de la Cigalo

 

Lebas-bous, paurots,

Caussas lous esclops,

E, lounjant la sègo,

Commenças, amits,

Dins lou tal d'espits !

Sègo, sègo, sègo !

 

En coupant lou blat 

Quilhès pas lou cap

Perço qu'abèn trigo;

Arribats amount,

Galopats al found.

Sègo, sègo, ligo !

 

Lou boulan en ma,

D'un jour al doman

I a loung d'uno lègo,

Mès cal tira dur,

Lou blat es madur. 

Sègo, sègo, sègo !

  

Gouiats, al trabal !

Quités pas l'oustal,

D'ana beire migo

N'es plus la sasou

Per belha'l cantou.

Sègo, sègo, ligo !

 

Coupas bas e round,

Tout fai pla besoun

E quand se derègo,

Sul boulan en crout,

Ziu ! passas la cout.

Sègo, sègo, sègo !

 

A l'oumbro que plai

Damourès jamai

Cal pas fa la figo

Plus léu finirés

E mai gagnarés

Ségo, ségo, ligo !

 

Quand siosque mati,

Biste cal parti

Car cio que Diu crègo

Diurio s'amassa

Sans trop trigoussa.

Sègo, sègo, sègo !

 

Que cadun amb iou

Cante sa cansou,

De mon zigo-zigo,

Tout en caminant,

Seguirés lou lan.

Ségo, ségo, ligo !

 

Paul Froment (A trabès regos)

Rimos d'un pichou paisan - 1895

La Chanson de la Cigale

 

Levez-vous, pauvres,

Chaussez les sabots,

Et, le long de la moisson

Commencez, amis 

Dans la taille des épis

Fauche, fauche, fauche !

 

En coupant le blé

Ne relèvez pas la tête

Parce que vous avez trimé;

Arrivés en haut,

Galopez vers le bas.

Fauche, fauche, lie !

 

Le volant* à la main

D'une journée à l'autre

Il y a loin d'une lieue

Mais il faut tirer dur,

Le blé est mûr.

Fauche, fauche, fauche !

 

Allez les jeunes, au travail !

Ne partez pas de la maison,

Pour aller voir l'amie

Ce n'est plus la saison

Pour la veillée au cantou

Fauche, fauche, lie !

 

Coupez bas et rond,

Tout doit être bien fait

Et quand ça ne va pas,

Sur le volant, en croix

Zou ! passez la pierre

Fauche, fauche , fauche !

 

A l'ombre qui plaît

Ne reste jamais

Il ne faut pas faire la figue

Plus tôt tu finiras

Et plus tu gagneras

Fauche, fauche, lie !

 

Quand tu sais que c'est le matin,

Tu vois qu'il faut partir

Car c'est le souhait de Dieu 

Il est temps de tout rassembler

Sans trop traîner.

Fauche, fauche, fauche !

 

Que chacun avec moi

Chante sa chanson,

De mon va-et-vient,

Tout en cheminant;

Vous suivrez le lancé

Fauche, fauche, fauche !

 

Traduction très approximative proposée par AM Fabre 

 

Le volant* est une  faucille de grande  dimension : on le lançait contre les céréales sans que le moissoneur n'ait à tenir les épis qu'il coupait


La Cançon de la cigala (mis en musique par le Perlinpinpin Folc)


Flou d'Estiu

 

L'aire risent, tendre, amistous,

La pèl cando, la talho fino

E coulou d'or, un pièl sedous,

Mitat defèit, frisant l'esquino,

 

L'èl, couqui, tentaire, amourous,

Biu, coumo un miral illumino;

Sus sa bouco, niu de poutous

L'embejo bai cridant famino.

 

Mai laugèro qu'un parpalhol,

Canto en benint de la segado

Milhou que cap de roussignol.

 

Soun coursage fai badalhol

E, dinco al se mièi despoulhado, 

Lou bent foulet baiso soun col.

 

Paul Froment (A trabès regos)

Rimos d'un pichou paisan - 1895

Fleur d'Eté

 

L'air rit, tendre, affectueux

La peau blanche, la taille fine

Et couleur d'or, le cheveu soyeux

à moitié défait, frôlant l'épaule.

 

L’œil coquin, tentateur, amoureux, 

Vive, comme un miroir illuminé;

Sur sa bouche, une nuée de baisers

L'envie va criant famine.

 

Plus légère qu'un papillon,

Elle chante en venant de la moisson

Mieux qu'aucun rossignol.

 

Son corsage s’entrebâille

Et, jusqu'à ce qu'il soit à moitié dévêtu,

Le vent follet baise son cou.

 

 Traduction très approximative

proposée par AM Fabre 



La Bugado (bugada en occitan normalisé)

 

La (grande) lessive

La bugado (bugada en occitan normalisé) ancienne carte postale sur laquelle sont imprimés quelques vers du poème "la Bugado" de Paul Froment
La bugado (bugada en occitan normalisé) ancienne carte postale sur laquelle sont imprimés quelques vers du poème "la Bugado" de Paul Froment

 

Jusqu'au début, et même parfois jusqu'au milieu du XXe siècle, la bugada (la grande lessive) était un dur labeur laissé à la charge des femmes. D’autant plus pénible que le linge (surtout les draps !) était fait de coton ou de lin très épais et lourd à manipuler !

Et cela pouvait prendre plusieurs jours !

Le plus souvent cette "bugado" n'avait lieu que deux ou trois fois l'an (d'où la nécessité d'avoir un important "trousseau" dans l'armoire, trousseau que les jeunes filles cousaient et brodaient au fil des ans en vue de leur futur mariage).

Bien sûr, les familles les plus aisées s'offraient les services de lavandières (bugadièras).

Le mot "bugado" signifie à l'origine "buée", en raison de la buée qui s'élevait des chaudrons, baquets et cuviers où l'on faisait bouillir le linge.

 

Frédéric Mistral (qui n'a jamais fait une lessive de sa vie) avance une autre étymologie "Le mot bugado vient de bou, bouc, trou, parce que la lessive est proprement l'eau qui passe par le trou du cuvier."... (Cela n'engage que lui... NDLR)

 

Le terme "bugadière" se trouvait encore il y a peu dans le Littré et désignait la "cuve en maçonnerie pour faire le savon"... (étrange... car j'ai toujours entendu ce terme pour parler de la lavandière et non de la cuve... NDLR)

 

Sources : Occitanica Mediatèca Enciclopedica

Les "bugadièras" à la rivière : laver, frotter, frapper avec le battoir puis rincer le linge qui est déjà passé dans la cuve et le lessif ! Anciennes cartes postales sur lesquelles sont égalemant imprimés quelques vers du poème "la Bugado" de Paul Froment

La bugado

 

Se soun lebados pla mati

Las labairos, e, per parti,

Biste, sans se trop escouti,

Cadunp al galop s'es coufado ;

D'un grand pas lou pitiou troupel

Camino cat al ribatel ;

Dins de descos, sul toumbarel

Lous beus ban traina la bugado.

 

Sus la carreto an lour banquet,

En courrent minjon un croustet

Tant pauros d'esprit que de fret,

Soun retroussados sans bergougno,

Pei, debouridos de calou,

Quiton brassièros, coutilhou,

Pertant de trabalha milhou

E d'ana pus biste en besougno.

 

Lou soulel aro justoment

Ben d'apunta soun bord lusent ;

Arribon près del riu courent

Qu'à l'oumbro des grands biules pisso,

E, lou linge un cop descargat,

Aprouchat, pourtat, trigoussat,

Ficoun de trabès del balat

Uno planco per barradisso.

 

Plaçoun cop set lour labadou

La mitat e cado cantou,

Prénon à coustat lour sabou

E soun aquiu freto que freti :

lengo, camisos e linsols

Soun boulegats coumo de fols ;

Bésis, pugnets e bords de cols

Pla sabounats, bous en proumeti...

 

Sabi plus cal, mès pas un sot,

Nous ensegnabo que se pot

Gaire fa dios causos al cop,

Lous que zou cresion se trompabon,

Dibio parla sans atenciu;

Z'aurio be bist, surtout aiciu,

S'abio, passant proche del riu,

Ausit nostros fennos que labon...

 

Barron pas la bouco... jamai !

Toutos dison ço que lour plai,

Uno bièn, l'autro enqèro mai...

Sus cadun tiron de l'escopo,

Salisson tres cops mai de gens

Que nou labon d'abilhoments;

Zou graupignon tout, mai ou mens,

Mès lour conscienço es toutjours propo !

La Lessive

 

Elles se sont levées de bon matin

Les laveuses, et, pour partir

Vite, sans trop s'écouter,

Chacune au galop s'est peignée ;

A grand pas, le petit troupeau

Chemine jusqu'au ruisseau ;

Dans des corbeilles, sous le tombereau

Les bœufs vont traîner la lessive.

 

Sur la charrette sur la banquette,

En courant, elles mangent un croûton ;

Aussi pauvres d'esprit que de froid,

Elles sont retroussées sans honte, 

Puis dévorées par la chaleur, 

Elles enlèvent chemises et jupons,

Pour pouvoir mieux travailler

Et aller plus vite en besogne...

 

Le soleil maintenant justement

Vient d’appointer son bord luisant ;

Elles arrivent près du ruisseau courant

Qui coule à l'ombre des grands peupliers

Et, le linge une fois déchargé,

Rapproché, porté, traîné

Elles le fichent en travers du fossé

Une planche comme barrière.

 

Elles placent soudain leur lavoir

la moitié et à chaque coin,

Elles prennent à côté leur savon

Et elles sont là frottent que frottent :

linge, chemises et draps

Sont remués comme des fous ;

Vous voyez, poignets et bords de cols

Bien savonnés, je vous en promets...

 

Je ne sais plus qui, mais ce n'était pas un sot,

Nous enseignait qu'il ne se se peut 

Guère faire deux choses à la fois;

Ceux qui l'ont cru se sont trompés,

Il a dû parler sans faire attention;

Il aurait bien vu, surtout ici,

S'il avait, en passant près du ruisseau,

Ecouté nos femmes qui lavent...

 

Elles ne ferment pas la buche... jamais !

Toutes disent ce qui leur plaît,

L'une vient, l'autre en demande plus...

Sur chacun elles tirent à bout portant,

Elles salissent trois fois plus de gens

Qu'elles ne lavent d'habillements;

Allez, elles égratignent tout, plus ou moins,

Mais leur conscience est toujours propre !


Les mots de la "Lessive":

- reconéisser :

séparer le blanc et les couleurs

desalivar :

prélaver. On trempe et brosse le linge pour en enlever le "plus gros".

entinar

mettre le linge dans la cuve (la tina) avant de verser sur lui le "lessif" (lo lessiu) . La cuve est percée à sa base. Ce "trou" est d'abord bouché avec un tampon "lo tampòt" (ce mot pourrait également désigner par extension le trou de la cuve). Par la suite on retire le tampon ce qui permettra au "lessif" de s'écouler par percolation dans le baquet (en bois ou en zinc) placé en-dessous. On recommence cette dernière opération plusieurs fois si nécessaire.

- caudejar :

réchauffer le lessif : au préalable (la veille en général) on a enveloppé des cendres blanches et fines (récupérées le plus souvent du four à pain) sur lesquelles on a versé de l'eau bouillante et laissé ainsi "macérer" toute la nuit.

Le matin suivant on réchauffe ce "lessif" en le diluant avec de l'eau que l'on verse sur le linge en tas dans la cuve fermée et chauffée par en-dessous. On "travaille" le linge avec un grand bâton ou une sorte de grosse louche qui permet de reverser l'eau sur le linge tout en le travaillant. Puis on débouche la cuve et le lessif ressort par lo tampòt, ce qui permet de le récupérer et de le réutiliser (pour la même lessive, ou, à la fin de la procédure, pour laver les sols, par exemple).

Une fois les différents passages effectués, (c'est la "bugadière" qui détermine le dernier passage à la couleur du lessif qui ressort) la bugada peut reposer.

- desentinar :

désencuver : une fois la cuve vidée, on entasse le linge dans des corbeilles (à linge !) afin de le transporter soit au lavoir (privé ou communal) soit à la rivière, afin de le laver et le rincer.

Chaque linge est alors frotté (savonné si l'on a du savon) puis battu à l'aide d'un battoir (batedor). Puis largement rincé à l'eau claire.

Pour obtenir un blanc bien clair, certains linges sont plongés dans des bacs d'eau froide contenant du bleu azur, des boules de bleu.

- espandir :

étendre le linge, pour le faire sécher. Il s'agit de la dernière étape. On étend le linge, le plus fréquemment directement dans l'herbe, ou sur des étendoirs (espandidors) de plein air.

 

Sources :

Souvenirs d'enfance (NDLR) et Occitanica Mediatèca Enciclopedica

Sounet d'un Poueto abant de s'ana nega 

 

A l'amic Marcel Jouffreau

 

Lèu tout s'escantis per jamai 

Dins ma paura amo desoulado; 

La fisenço s'es emboulado, 

De soulel n'a pas bist un rai ! 

 

Dejà la bido al mes de mai 

Me semblo tristo, despoulhado... 

Dins ma pauro amo desoulado 

Tout bai s'escanti per jamai ! 

 

L'esperenço, lèn l'èi cassado 

E mort coumo la flou dalhado 

Al soulel, dins lous prats, en laï...

 

Quand l'Amour me passo à pourtado 

Fai qu'uno grimaço e s'en bai; 

Tout es escantit per jamai.

 

Paul Froment (A trabès regos)

Rimos d'un pichou paisan - 1895

Sonnet d'un poète avant d'aller se noyer

 

A l'ami Marcel Jouffreau

 

Vite, tout s’éteint à jamais

Dans ma pauvre âme désolée;

La confiance s’est envolée,

De soleil elle n’a vu un rayon !

 

Déjà la vie au mois de mai,

me semble triste, dépouillée…

Dans ma pauvre âme désolée

Tout va s’éteindre à jamais !

 

L’espérance, loin je l’ai chassée

Et elle meurt comme la fleur fauchée.

Au soleil, dans les prés, là-bas...

 

Quand l’amour passe à ma portée

il ne fait qu’une grimace et s’en va.

Tout s’est éteint à jamais. 

 

Traduction :

Marceau Esquieu, Christian Rapin, Jean Rigouste.

(Anthologie de l'expression occitane en Agenais.)


A ECOUTER > Sonet d'un poeta avant de s'anar negar (mis en musique par le Perlinpinpin Folc)

Merci à NEon Liquide pour la mise en ligne sur YouTube de ces trois morceaux !